Faut-il faire peur pour faire passer un message de prévention ?

Monday, 6 April 2020 21:18

 

La relation entre efficacité de la prévention et utilisation de la peur a fait l’objet de nombreux travaux et débats depuis les années 50. Aujourd’hui encore, une large part du public, les plus jeunes notamment, et certains acteurs de prévention croient au pouvoir de la peur pour modifier les comportements pendant que d’autres en soulignent l’inefficacité, les effets contre-productifs ou encore la dérive hygiéniste. Qu’en est-il réellement ? Les messages provoquant la peur s’inscrivent clairement dans le champ de la persuasion. Ils veulent influencer le jugement, agir sur les personnes et sur leur conduite afin qu’elles adoptent un comportement donné. On peut alors s’interroger : Qui veut nous persuader, de quoi, pourquoi, avec quels arguments ? Ne risque-t'on pas d’être manipulé ou stigmatisé ? Au-delà de ces questions « éthiques », le recours à la peur est largement reconnu comme inefficace s’il n’est pas accompagné de solutions adaptées au problème posé. Ainsi, une personne ne pourra envisager de changer son comportement que si elle se sent concernée par la menace, en perçoit la gravité, se sent en capacité de mettre en oeuvre la réponse proposée et que cette dernière lui paraît efficace pour répondre à la menace. Autant dire que ce type de messages ne touche finalement que les publics déjà acquis « à la bonne cause ». Chez ceux dont on voudrait prioritairement voir le comportement changer, on observerait plutôt des effets contre-productifs : déni, évitement, rejet, attrait du risque, de l’interdit… Car ce type de messages déresponsabilise, infantilise ou stigmatise. C’est là toute la différence avec les valeurs et les objectifs de l’éducation pour la santé qui visent l’émancipation des individus et le développement de leurs capacités à faire des choix raisonnés et éclairés, à exercer leur esprit critique. Ainsi, chacun, quel que soit son comportement, ses représentations et son environnement peut se sentir concerné et chercher les solutions adaptées à sa propre situation.


Performance et santé n°12, spécial dopage, réponse de Mme Isabelle Robert, chargée d'ingénierie et de prévention, CIRDD PACA